Les scientifiques ont adopté l’idée qu’«il existe un monde microphysique, dit quantique, sous-jacent au monde sensible, peuplé d’entités qui ont des effets sur le sensible ». Ce postulat est efficace pour construire un modèle scientifique de la nature. Des entités abstraites ont été ainsi inventées, avec des comportements bizarres, de telle sorte qu’elles puissent être considérées comme la cause des phénomènes du sensible. On a inventé des particules qui sont des ondes, des particules qui sont « virtuelles », des particules qui vont vers le passé, un vide qui est plein… Bizarreries efficaces : on n’a pas à les comprendre, mais à les utiliser comme une recette. S’il fallait que les électrons aient des oreilles de lapin, ils en auraient.
Le microphysique a rendu plus aiguë la problématique du réel. Y a-t-il un réel en soi, ou bien le réel est-il construit par l’observateur ? La théorie quantique, par ailleurs encore jamais prise en défaut, montre que la dernière manche a été remportée en 1982 par ceux qui pensent que l’observateur, par son observation, participe à produire le monde.
Bernard Vidal est professeur émérite à l’Université de La Réunion, université dont il a été vice-président chargé des études (1992-2002). Spécialiste de chimie quantique, il a aussi enseigné l’histoire des sciences, écrivant sur ce thème, entre autres, le « Que sais-je ? » Histoire de la chimie (PUF, 1984, 1998), traduit en portugais et en vietnamien. Il a conçu et dirigé la première formation d’ingénieurs diplômés hors de l’hexagone, habilitée par la Commission du titre d’ingénieur en 2005 et par l’État en 2006 (École supérieure d’ingénieurs en développement agroalimentaire intégré, ESIDAI, devenue ESIROI). Ses livres Chimie quantique, de l’atome à la théorie de Hückel (Masson, 1992) et Exercices de chimie quantique (Masson, 1995) ont été des best-sellers, formant plusieurs générations de chimistes.